Bienvenue à tous les Feeling (1090, 416, 36, 39, 960, ....)
Heureux propriétaires d'un voilier Feeling, quel qu'en soit le modèle ou l'année de construction, vous êtes ici comme dans le carré de votre bateau.
Nous sommes fiers de nos chers bateaux, et partageons les mêmes passions, et les mêmes préoccupations. Alors ce club est un lieu d'échange et de partage de nos expériences, de nos solutions.
Poupa en Islande : second épisode
Voilà 3 heures que nous avons quitté les iles Féroé après avoir laissé Mykines sur bâbord et longé les falaises de Vagar vers le nord pour échapper aux courants. A présent le cap à suivre est au 315° pour atteindre Eskifjordur à l’est de l’Islande distant de 255 miles. Sous GV arisée et solent, Poupa entame une première nuit très courte, le soleil s’est couché à 23h10, il se lèvera à 03h.
Parlons un peu du bateau
Poupa est la version 3 cabines du Feeling 1040 avec un lest long en fonte. Pour sa taille, il offre un confort très honorable, avec une cuisine fonctionnelle, un carré spacieux, de belles cabines, WC et douche avec eau chaude et suffisamment de rangements. Pour obtenir une meilleure isolation du bord, j’avais remplacé tout le vaigrage par du liège collé et peint en blanc. Le chauffage Eberspaecher permet de chauffer rapidement l’air ambiant et en complément, nous utilisons un petit chauffage électrique quand nous sommes au ponton. 4 batteries dont 3 de 110 ampères pour la faible consommation électrique du bord (éclairage Led, Gps avec cartographie, Vhf, Ais, Irridium Go, pilote auto ST6000), rechargées par un panneau solaire souple de 150 watts fixé sur la capote et par l’alternateur du moteur si besoin, au port le chargeur de quai prend le relai. Côté voiles, une GV à 2 ris, une génois sur enrouleur, un solent latté avec ris de figaro 2 endraillé sur un étai largable, un tourmentin, un spi symétrique de figaro 2. Le moteur Volvo de 29 cv entrainant une hélice tripale Variprop avec mise en drapeau vient aider les voiles dès que le vent faiblit pour conserver une moyenne de 5 nds.
02/05 :
Beau temps, nous envoyons le spi et progressons rapidement sous contrôle de ̈plume ̈ notre régulateur d’allure puis les voiles en ciseaux, génois tangonné au vent, nous continuons à gagner vers le NNE.
Au point de 18h30, nous avons parcouru 125 miles à une moyenne de 6 nds.
03/05, 17h :
Notre arrivée en Islande est saluée par un brouillard à couper au couteau, heureusement la nappe s’éclaircit en rentrant dans le fjord d’Eskifjordur et nous pouvons admirer les sommets enneigés qui l’entourent.
Poupa est de nouveau le seul voilier présent dans le petit port, Pierre soigne sa bosse après un empannage involontaire avant notre arrivée, je m’en veux mais plus de peur que de mal, l’homme est solide.
Nous avions préalablement prévenu les gardes côtes de notre arrivée ; le soir 3 charmantes policières nous rendent visite et nous expliquent les mesures anticovid mises en place en Islande. Elles prennent contact avec les différents services pour organiser un test PCR prévu le lendemain matin. En attendant, nous sommes confinés à bord, elles se proposent de nous faire des courses si besoin, nous remplissent un jerricane d’eau et acceptent tout sourire un casting photos avec et sans masque ! L’accueil islandais fait chaud au cœur, les flics de chez nous devraient prendre des leçons !
05/06, 12h :
Depuis notre test covid négatif, nous sommes autorisés à reprendre la mer mais sous condition de respecter 5 jours de confinement avant de réaliser le 2ème test obligatoire à Akureyri. Direction Bogarfjordur, 60 miles en montant vers le nord. Vent de sud 5 à 6, il fait froid mais beau, les reliefs enneigés qui défilent offrent un spectacle visuel étonnant, l’Islande est à la hauteur de nos rêves, Poupa déboule avec des pointes à 12 nœuds sur le fond, GV 2 ris et génois tangonné.
Après avoir débordé la pointe de Glettinganames et son insolite phare orange, nous mouillons sur ancre à 21h00 dans le joli fjord de Bogarfjordur par 8 mètres de fond, l’alarme de mouillage est activée.
Un site ornithologique équipé d’un observatoire est situé à l’entrée du petit port qui n’offre pas de place suffisante pour nous accueillir. Ici, les superstars sont les macareux moines et les eiders à duvet, comme les canards, le mâle est blanc et la femelle grise.
Contrairement à chez nous, le soleil se couche au nord, aujourd’hui il disparaitra à peine de l’horizon à 23h30 offrant un spectacle somptueux.
06/06 :
Après un bon repos à observer le balai incessant des oiseaux de mer, nous levons l’ancre à 18h pour Raufarhofn situé à 9O miles.
Les prévisions météo annonçaient du sud 3 à 4, mais le vent reste désespérément très faible, le moteur est mis à contribution. Les premières baleines croisent au large, le fulmar boréal aime frôler le gréement de son vol planant pendant que des grands skuas (ou grands labbes) tournoient dans le ciel. Ce grand oiseau de 1,4m d’envergure au plumage brun est un prédateur, il se nourri d’oiseaux marins mais aussi de charognes.
07/06, 04h30 :
Poupa contourne la majestueuse pointe de Langanes extrémité nord est de l’Islande tel un iceberg basaltique posé sur la mer.
Par 66°23’N et 014°30’W, nous sommes à présent à l’abri des vents de sud.
En rasant la côte, le spectacle est féerique, un véritable paradis pour les innombrables oiseaux marins ; dans ce théâtre de mer, ils donnent leur concert, les parois se transforment en HLM pour des milliers de locataires ailés où cohabitent fulmars, mouettes tridactyles, sternes, macareux, guillemots, pingouins torda, sans oublier les imposants fous de bassan. Ils nichent sur les parties plates, les crevasses ou s’installent sur les roches escarpées en fonction de leurs morphologies.
07/06, 10h00 :
Avant notre arrivée à Raufarhofn, une baleine de belle taille vient nous rendre visite tout en restant assez discrète. Comme d’habitude nous serons le seul voilier présent dans le port, l’endroit est très peu fréquenté, personne pour nous accueillir, nous nous amarrons à l’extrémité du ponton. Voilà une semaine que nous sommes à bord sans pouvoir nous dégourdir les jambes ! Vu le calme ambiant, Pierre et moi décidons de braver l’interdit et partons à tour de rôle explorer les environs.
Raufarhofn est le village le plus septentrional de l’Islande : un phare, une église, un cimetière, une alimentation, un café bar, quelques maisons, pas d’arbre, peu d’âmes qui vivent mais des oiseaux en pagaille, le décor est planté pour le scénario d’un western à l’islandaise.
Une des curiosités de Raufarhofn est l’enclos arctique. L’idée de cet ouvrage qui n’est pas tout à fait terminé est d’activer les étendues infinies, où tout l’horizon ainsi que le soleil de minuit sont visibles en s’inspirant des poèmes scaldiques vikings. Des portes en pierres sont édifiées aux 4 points cardinaux et représentent les nains de Voluspa ̈Austri, Vestri, Nordri et Sudri ̈. Une colonne centrale complète l’ouvrage de sorte qu’il est possible de voir le soleil de minuit depuis la porte sud, à travers la porte centrale et la porte nord.
08/06 :
Départ de Raufarhofn pour Akureyri avec le plein de poissons frais offert par un pêcheur (2 carrelets et 4 morues), par un vent de NW force 4 à 5 faiblissant ensuite.
A midi, un grand moment de notre voyage, Poupa franchit le cercle polaire arctique par 66°33,49’N et 015°52’W. Il s’agit de la latitude la plus au sud sur laquelle il est possible d’observer le soleil de minuit dans l’hémisphère nord.
Ensuite, le vent tombe complètement et nous poursuivons au moteur pour déborder à faible distance la très belle pointe de Melrakkasletta (à vos souhaits !!), dont les falaises sont assaillies par les fous de bassan, les perroquets des mers (macareux) et plein d’autres oiseaux de mer. Au printemps l’Islande se transforme en un formidable paradis ornithologique en plein milieu de l’atlantique nord.
A l’entée du fjord d’akureyri, Pierre aperçoit 2 ailerons qui signalent la présence d’orques sur le secteur.
09/06, 08h00 :
Arrivée à Akureyri, deuxième agglomération d’Islande derrière Reykjavik avec environ 20000 habitants. Dans cet important port maritime, une place de choix nous est proposée au pied du centre des arts et de la culture ̈le Hof ̈, avec un ponton pour nous tout seul.
Livrés à nous même, nous réussissons à lever toutes les barrières liées au covid. Aussitôt débarqués, nous passons notre 2ème test PCR en 5 minutes dans un centre tout prés du ponton. Sans trop d’illusion nous partons en début d’après midi au centre des pompiers local qui organise une campagne de vaccination pour tenter d’obtenir notre 2ème dose Pfizer. Après une petite marche, nous sommes sur place ; le parking est rempli et c’est la foule des grands jours. Sans trop se poser de questions, nous nous engageons cependant dans la file d’attente. Arrivés devant l’enregistrement sans convocation, nous expliquons notre situation à la charmante infirmière de l’accueil. Elle prend conseil et rapidement valide notre présence pour l’injection. 20 minutes plus tard nous sommes vaccinés, un grand bravo pour l’organisation et l’efficacité islandaise. Pour fêter nos réussites aux examens, direction bar et restaurant en soirée !
10/06 :
Courses, gasoil, lavage des vêtements dans une blanchisserie, petite ballade autour d’Akureyri et soirée crêpes de blé noir avec la Krampouz embarquée sur Poupa. Birkir Léo Brunjarsson, le sympathique employé de la société de location de voiture nous rejoint à bord avec une bouteille de blanc. Il n’a que 24 ans, et s’intéresse beaucoup à notre périple et la vie en Bretagne, nous échangeons en anglais sur la vie en Islande.
Le lendemain, direction l’est pour visiter la région volcanique du lac Myvatn en passant par la superbe cascade de Godafoss.
Spectaculaire randonnée avec un vent violent au sommet de volcan Hverfjall (452m), le panorama est remarquable sur le lac, les fumeroles à fortes odeur de souffre et les champs de laves qui l’entourent.
Les plaques tectoniques d'Amérique du nord et Eurasienne s'affrontent ici.
Le fond du cratère de ce volcan dont la dernière éruption date de 1875 ressemble à un paysage lunaire, il a servi à l’entrainement des astronautes américains avant leur voyage vers la lune de 1969.
Après cette ballade vivifiante, nous allons prendre un bain dans la piscine naturelle géothermale de Myvatn.
L’eau de 37 à 40° par endroit et de couleur bleu opaque, sensation d’un liquide huileux, dans 1m de profondeur, on s’y détend sous des averses de neige.
Le soir, de retour à Akureyri nous allons voir un concert rock dans un cabaret, chaude ambiance au milieu de la centaine de spectateurs présents, le groupe s’appelle ̈The vintage caravan ̈, les morceaux rappellent ̈Ten years after ̈, le guitariste est excellent.
Fumeroles et émanations de souffre
12/06 :
Au programme de la journée, Pierre nous a concocté une randonnée de 15 km avec un dénivelé important pour grimper en haut du kaldbakur à 1167m. Avec toute cette neige, la journée s’annonce sportive. Le massif se trouve côté est, à l’entrée du fjord Fyjafjordur qui mène à Akureyri.
Au bout d’1h30 d’ascension, la neige nous barre le chemin mais comme il fait très beau, nous décidons de faire du hors piste en choisissant des passages moins enneigés. Grisés par le panorama magnifique, la grimpette continue mais cette fois dans la neige en suivant les traces des gros véhicules 4x4 équipés de pneus démesurés permettant d’aller partout.
Une heure plus tard nous sommes au sommet pour admirer la mer au nord, les sommets enneigés à perte de vue et l’ile Hrisey en sentinelle au milieu du fjord. Après 4 heures de marche, retour au niveau de la mer, fatigués mais heureux.
13/06 :
La température est fraîche, pas plus de 4° et le temps maussade. Nous récupérons les certificats attestant de notre 2ème vaccination à la clinique d’Akureyri et partons visiter une autre curiosité de la ville : le jardin botanique qui date de 1912. Situé à seulement 50 km du cercle polaire arctique, ce jardin est exceptionnel par sa richesse botanique et sa situation très septentrionale.
14/06, 09H30 :
Direction Siglufjordur, il neige, il fait toujours froid, la mer est à 4°. En quittant Akureyri, nous saluons l’équipage du navire français ̈ Le Normandie ̈, une frégate anti-sous-marine venue faire escale. Au milieu du fjord, l’ile de Hrisey nous dévoile son pittoresque port et sa collection de vieux tracteurs. Une belle averse de neige et grêle mélangées nous oblige à balayer le pont avant de repartir.
20H00 : Arrivée à Siglufjordur, un actif port de pêche au milieu des montagnes. Le capitaine du port nous accueille le long d’un ponton en bois équipé d'électricité.
15/06 - 06h40 :
Fidèle équipier depuis notre départ de Concarneau, mon ami Pierre me quitte ce matin pour retrouver les siens, sa Bretagne et le Corentin (lougre de l’Odet). Il laisse un grand vide dans la cabine tribord, je vais poursuivre le voyage tout seul avant de récupérer de nouveaux équipiers dans une dizaine de jours.
Journée bricolage à bord, coutures sur le génois, renfort de la capote et grimpette en tête de mat. Le soir, je recherche un petit restaurant avec l’espoir de pouvoir regarder le match de coupe d’Europe de foot France-Allemagne ! Ici pas de télé, mais je parviens tout de même à voir le match aidé par le serveur de la pizzeria qui me prête gentiment sa tablette (score final 1 à 0 pour la France.
16/06 :
La nuit est agitée, plaqué contre le quai en bois par un puissant vent de nord, Poupa gite sur tribord sous les rafales tirant sur ses aussières en écrasant ses maigres pare-battages. Il fait toujours aussi froid, le petit chauffage électrique acheté par mon fils Simon à Stornoway réchauffe l’atmosphère du bord. Le calme revenu, le capitaine du port m’offre généreusement 2 gros pare-battages rouges pour mieux défendre la coque de Poupa.
Visite des musées de Siglufjordur qui relatent l’épopée de la pêche aux harengs dans ce fjord. Le hareng a joué un rôle majeur dans la vie des islandais au 20ème siècle. Grâce à l’industrie de la pêche l’Islande est devenue la société moderne qu’on connait aujourd’hui.
Paradoxalement, pendant la grande récession mondiale des années 30, l’industrie du hareng a apporté de la richesse au pays. Le port de Siglufjordur représentait à lui seul plus du quart de l’ensemble du tonnage de harengs et était devenu le port le plus important d’Islande. Les nombreux armateurs débarquaient par centaines de milliers les harengs sur les quais en bois, aussi l’industrie de traitement du poisson dans des baraquements se développa au fond de ce fjord désert.
Des centaines de personnes, principalement des jeunes femmes travaillaient dehors sur les pontons, elles coupaient la tête des harengs, les vidaient d’un geste rapide et les disposaient en cercle dans le tonneau, une couche de harengs, une couche de sel etc....Le travail se faisait sans cesse durant l’été profitant du soleil dans ces latitudes, mais pouvait être très harassant quand le temps n’était pas beau. Les femmes étaient payées selon leur rapidité, les plus efficaces pouvaient très bien gagner leurs vies, mieux même que les hommes en mer.
En 1940, Siglufjordur devint la 4ème ville du pays avec 3000 habitants, la vie était celle d’une grande ville en effervescence. Sur le cercle polaire, il n’y avait guère d’endroit aussi vivant, gai et coloré, presque mondain.
Dans les années 50, de grands navires en métal remplacèrent les petits bateaux en bois. Ils étaient équipés de puissants winches et palans mécaniques mais la révolution majeure était le sonar qui permettait de repérer les bancs de harengs. En 1965 la mer s’étant brusquement refroidie, on ne pêchait plus du tout dans le nord. Le grand stock islando-norvégien avait été surpêché. Les grands coupables étaient les Norvégiens, les Islandais et les Russes, mais le coup fatal fût celui porté aux jeunes harengs de ce stock dans les fjords de Norvège.
La disparition du hareng était un coup très dur pour l’Islande, autant sur le plan économique, social que culturel. Après des années de prospérité, la chute était grande. La grande épopée du hareng s’achevant si brusquement, il fallu bien chercher d’autres alternatives. Très tôt dans les années 70, une nouvelle technique pour pêcher le cabillaud et le capelan se développa permettant de sauver l’économie et la vie des bourgades de pêche.
Depuis, le stock de harengs a retrouvé sa taille après une longue et totale interdiction de pêche de jeunes poissons dans les fjords norvégiens. Comme avant, de grands bancs de harengs migrateurs quittent la côte norvégienne pour se rendre en Islande à la recherche de nourriture.
Preuve de la fragilité des écosystèmes, la filière de pêche islandaise s’est fixée pour objectif d’utiliser les 100% des poissons pêchés de l’atlantique nord, afin d’éviter les gaspillages. Tout est conservé et transformé de la tête à la queue en passant par les viscères pour des compléments alimentaires riches en vitamines ou pour des applications médicales. A titre de comparaison l’Europe ou l’Amérique du nord n’en sont qu’à 50% d’utilisation.
Il s’agit d’une petite révolution au regard de la tradition des chalutiers qui, jusqu’au début des années 80, se livraient à une surpêche effrénée générant d’importants gaspillages au point de mettre en danger les stocks de poissons dont le cabillaud alors en chute libre. Un désastre !
A l’image de la filière de pêche islandaise, il est urgent de lutter contre les pillages et les gaspillages inutiles, afin d’éviter les catastrophes écologiques annoncées.
17/06, 09h30 :
Bonne météo, il est temps de mettre le cap à l’ouest pour les 75 miles qui me séparent de Nordufjordur, ma prochaine escale. Nouvelles rencontres avec des baleines que j’arrive cette fois à approcher d’un peu plus près devant le fjord de Skagafjordur.
Je suis heureux et réalise la chance que j’ai de me trouver là, seul en compagnie de ces animaux marins exceptionnels dans ce décor de rêve.
Baleine à bosse en plongée
22h00 : je viens mouiller Poupa sur ancre bien à l’abri à Nordufjordur pour une courte escale.
18/06, 07h30 :
Je reprends la mer pour contourner la mythique pointe nord- ouest de l’Islande et les sommets enneigés du Drakajokull qui trône à 925 mètres. A partir de maintenant, il n’y a plus de route, la découverte des lieux ne peut se faire qu’à pieds où par mer.
Il fait très beau et c’est avec émotion que j’enroule le cap Horn boréal et ses falaises impressionnantes en les rasant au plus près. Leurs hauteurs donnent le vertige, j’imagine le tumulte provoqué par des vagues hautes comme des immeubles lors des violentes tempêtes de l’hiver.
Je ne me lasse pas de regarder ces paysages primaires et désertiques. En contournant la pointe NW, le phare en acier de Straumnes au ras de la côte a bien du mal à conserver ses couleurs oranges, il rouille inexorablement frappé par l’assaut des vagues.
La dernière pointe de Skaladalur m’ouvre les portes des grands fjords du NW, je décide d’aller mouiller tout au fond du fjord de Hesteyrarfjordur au nord du Jokulfirdir (à vos souhaits). L’endroit est envoutant, l’eau ruisselle de partout en d’innombrables petites cascades, des centaines d’oiseaux m’observent.
19/06, 10H00 :
Départ pour Isafjordur, 22 miles vers le sud, très peu de vent. En sortant du fjord, je salue un voilier allemand ̈XTrip ̈, un Elan 37 que j’ai aperçu la veille au mouillage. Egalement seul à bord Mikael doit se rendre à Isafjordur, nous aurons l’occasion de nous revoir là-bas.
14h30, arrivé au port, j’ai la surprise de retrouver le lévrier des mers ̈Trifon ̈ déjà rencontré à Torshavn. Son nouveau skipper Sébastien Roubinet me propose une place à couple.
Sébastien est un grand navigateur qui a réalisé plusieurs exploits sportifs avec notamment le franchissement du passage du Nord-Ouest uniquement à la voile avec Babouche, un petit catamaran amphibie conçu et construit par lui. Le reste de son équipage est composé de sa femme Lise, sa fille Anouk et 2 équipiers Dominique et Jean-Christian. Très sympas ils m’invitent à prendre un café à bord pour échanger et partager nos aventures. Comme prévu, ils ont déposé l’aventurier Vincent Grison sur la banquise arctique avec ̈Breizh Glace ̈, son canot à rames tiré par une voile de Kite-surf, ils restent en stand-by à Isafjordur en attendant de le récupérer dans une dizaine de jours. L’après midi, j’ai la visite de Mikael, le navigateur allemand rencontré ce matin, il m’offre des filets de morue et nous sympathisons. Mika navigue seul sur son voilier depuis 3 ans en Islande, sa femme qui travaille en Allemagne le rejoint de temps en temps. C’est aussi un pêcheur professionnel qui travaille en Islande pour renflouer la caisse du bord. Ici le poisson ne manque pas, la pêche est très lucrative.
Le soir, je suis invité à manger à bord de Trifon après une bonne bière viking et quelques parties de billard au bar du coin.
20/06 :
Le lévrier des mers quitte le port pour visiter les fjords et tenter de pêcher quelques morues (cabillauds).
Je profite de cette journée pour partir à la découverte avec mon vélo, faire quelques courses, et démonter avec l’aide de Mika, ̈Plume ̈ mon régulateur d’allure qui a tendance à décrocher.
21/06 :
Trifon est de retour avec plein de morues, je suis à nouveau invité pour le soir à déguster leur pêche. En guise de désert, je prépare un far aux pruneaux pas trop mal réussi à bord de Poupa pendant que Mika qui prépare une navigation vers le Groenland prend de précieuses informations avec Sébastien.
Soirée sympa en chansons, guitares et accordéon diatonique.
22/06, 07h00 :
Je quitte Isafjordur sans faire de bruit et laisse mes voisins dormir....
Destination le fjord de Arnarfjordur plus au sud sur les conseils de Mika. Une fois de plus, la beauté des lieux est envoutante.
Découverte des chutes de Dynjandi, fantastique cascade de 150 mètres de hauteur située au fond du fjord.
Le soir, je décide d’aller m’abriter dans le petit port Bildaladur. Entre temps le vent d’ouest est bien rentré et je galère au pré serré avec des vagues courtes et 30 nœuds dans le pif. Je suis content de retrouver le calme bien à l’abri sur ancre dans ce petit port de pêche.
23/06, 07h00 :
Je lève l’ancre pour me rendre dans un autre endroit vivement conseillé par Mika, une petite piscine géothermale naturelle presque inaccessible à environ 6 miles vers l’est. Poupa est mouillé dans cet ancien cratère à Reykjarfjordur (à vos souhaits) et c’est en annexe que je vais prendre mon bain dans une eau à 37°. Super moment de détente, dépaysement garanti, je teste également un trou d’eau naturel à 41°.
12H00 : Il est temps pour moi de reprendre la mer et me rapprocher le plus possible de Reykjavik où je dois récupérer 2 nouveaux équipiers : mon deuxième fils Rémi et mon cousin Bernard. La météo est parfaite, je décide de rejoindre le port de Stykkisholmur à environ 130 miles sur la côte ouest. En poursuivant ma descente vers le sud, la neige disparait des sommets et les températures remontent.
20h45 : Je passe la pointe extrême ouest de l’Islande et sa pointe emblématique de Bjargtangar, véritable sanctuaire pour les oiseaux. Encore une fois, j’en prend plein les yeux avec ces falaises habitées et le balai incessant des macareux, guillemots de troll, pingouins torda, guillemots à miroir, fulmars boréals, mouettes tridactyles, les uns courant sur l’eau, les autres cherchant à fuir devant l’étrave. De nombreux touristes perchés près du phare observent Poupa raser la falaise avec au loin en arrière plan le sommet enneigé du majestueux stratovolcan Snaefellsjokull de l’autre côté de la baie qui culmine à 1446 mètres.
24/06 - 10h00 :
Arrivée dans le très joli port de pêche de Stykkisholmur. Avec un coefficient de marée de 90, le marnage dépasse les 2 mètres, le courant est présent et de nombreux ilots me rappellent la Bretagne. L’endroit est très prisé par les touristes.
A partir de demain je ne serai plus seul à bord, je vais récupérer Rémi et Bernard à l’aéroport de Keflavik.
25/06 - 07h45 :
Départ en bus pour parcourir les 170 km qui me séparent de Reykjavik. Là-bas je parviens non sans mal à louer un véhicule pour rejoindre l’aéroport. Il fait un temps de chien et il pleut des cordes quand je les retrouve, tous 2 se demandent où ils sont arrivés ! Après une bonne bière et un repas au centre ville de Reykjavik, nous retrouvons Poupa à minuit, fatigués mais heureux de nos retrouvailles.
Leçon de lecture de carte.
26/06 :
Profitant de la voiture nous faisons le tour de la péninsule de Snaefellsnes, le beau temps est revenu, baignade dans la piscine géothermale de Lysuholl, visite de Arnastapi (très touristique) avec ses falaises en orgues basaltiques où nichent entre autre les fulmars, mouettes et goélands. En dehors des oiseaux marins, un cheval de petite taille d’origine viking est très présent en Islande. Les habitants en sont fiers et pour éviter tout croisement, l’importation de chevaux est interdite dans le pays, ainsi la race reste, depuis les années 900, l’exclusivité de l’ile.
Au retour, nous nous arrêtons à Olafsvik boire un verre et faisons la connaissance d’une équipe de tournage de film avec des belges très sympas. Ils préparent un long métrage tiré du roman de Catherine Poulain ̈Le grand marin ̈.
27/06 - 09h30 :
Le beau temps continue, nous quittons le port pour rejoindre une petite île Ellidaey, toute proche située à 5 miles au nord. L’ancre est jetée par 8 mètres de fond dans cet ancien cratère, seul en compagnie d’oiseaux marins. Le spot est magnifique et nous rappelle un peu l’île de Penfret au Glénan. La cane à pêche est de sortie et en 10 minutes, Rémi nous sort 3 cabillauds de tailles honorables rapidement levés en filets par Bernard, l’expert du bord.
Le soir amarrage le long d’un quai à Olafsvik pour regarder un match de foot dans le restaurant-bar de la veille avec nos camarades belges venu soutenir leur équipe contre le Portugal. 1à 0 pour la Belgique, l’ambiance est chaude... 02h00 le 28/06 : Cap sur Grindavik toujours plus au sud à 85 miles. Pas ou très peu de vent, navigation principalement au moteur, le temps est gris. Nous apercevons 2 orques à la pointe de la presqu’île de Snaefellsnes, magnifique rencontre avec ces puissants cétacés. En doublant la péninsule de Reykjanes, nouvelle rencontre avec un groupe de 6 mammifères, probablement à la recherche de phoques présents le long des côtes.
19H30 : Nous arrivons juste à l’heure à Grindavik pour assister à la rencontre France-Suisse dans un bar local. Nous sommes largement favoris, on va les ̈écraser ̈. Très grosse déception au coup de sifflet final, laissant Rémi effondré sur sa chaise.
29/06 :
Comme à son habitude, Poupa est le seul voilier dans ce grand port de pêche très fréquenté de la côte sud.
Avec l’aide du vélo, nous faisons quelques courses ainsi que les pleins d’eau et de gasoil.
Nous partons ensuite pour une longue marche à travers les champs de lave visiter le ̈Blue Lagon ̈, une piscine géothermale très réputée qui utilise les eaux de la centrale géothermique la plus importante au monde de Svartsengi.
Rémi et moi allons barboter dans cette eau turquoise de 37 à 40°, plaisantant en sirotant une bière, le visage recouvert d’un masque de sioux avec de la silice blanche. En intégrant un complexe hôtelier de standing, busines oblige, le site reçoit de nombreux touristes.
30/06 :
Brouillard, crachin, avec ce temps gris Grindavik fait un peu triste mine. Toute l’économie repose sur la pêche entre le débarquement, la transformation et le transport du poisson.
Dans l’après-midi, nous partons observer la coulée de lave en activité sur la péninsule de Reykjanes depuis le 19 mars. Après 800 ans de sommeil dans la région, le cracheur de lave au nom imprononçable de Fagradalsfjall attire énormément de visiteurs sous le contrôle des autorités islandaises. Un véritable lac de lave s’est formé dans la vallée, il menace de déborder pour rejoindre la mer au sud, c’est fantastique les photographes sont aux anges !
Coulée de lave incandescente sous la croûte.
Avancée inexorable.
Le trajet du retour vers Grindavik est marqué par un brouillard intense, fatigués mais heureux nous rejoignons le restaurant local.
La maison de bonheur, il ne manque plus que la boite aux lettres...
Les chevaux vikings
01/07 - 08h00 :
En route pour notre dernière escale islandaise, cap sur les fantastiques îles Vestmann, véritables sentinelles volcaniques situées à 65 miles vers l’est.
Un brouillard à couper au couteau nous oblige à la plus grande prudence, le vent est faible de secteur S à SE. Dans l’après-midi le soleil réapparait et c’est avec une vue magnifique que nous abordons Heimaey l’île principale où vivent 4300 habitants. L’entrée vers cet important port de pêche est somptueux, la passe est étroite en longeant des falaises escarpées habitées par les oiseaux, les moutons occupent les sommets verdoyants sans se soucier du danger. Accueil agréable du représentant du port qui nous propose une place à couple d’un navire de pêche d’une trentaine de mètres.
En approche de Vestmann
02/07 :
Nous louons des vélos et partons à la découverte vers la pointe sud de Heimaey, la vue est superbe sur les îles volcaniques tout autour. Au loin, nous apercevons l’île de Surtsey interdite aux visiteurs. Elle est sortie de l’eau en 1963 suite à une éruption sous marine, elle est classée au patrimoine de l’Unesco comme étant la plus récente île volcanique apparue sur notre planète.
Pas mal comme garage à vélos !
Le soir, sympathique restaurant avec une excellente cassolette de cabillaud, crevettes et pommes de terre nouvelles, le tout accompagné de la fameuse bière viking locale.
Soleil de minuit sur Vestmann il est 23h45 sans oublier un tapis de lupins sur 10 m de lave.
03/07 :
Chaque année le WE du 03 Juillet, l’île fête la fin de l’éruption volcanique qui avait démarré le 23 janvier 1973. Toute l’île avait été évacuée, la coulée de lave d’une hauteur de 10 mètres a enseveli ou détruit près de 400 habitations avant d’être stoppée juste à temps en évitant de bloquer le port.
Pour cela, des pompes ultra puissantes ont été expédiées des Etats-Unis pour refroidir la lave avec de l’eau de mer. Le volcan Eldfell domine à présent et la superficie de l’île a augmenté de 20% suite à son éruption.
Du haut d’Eldfell, la vue est magnifique, le panorama laisse rêveur.
04/07 - 08h00 :
Nous quittons l‘Islande et les îles Vestmann pour rejoindre une autre perle de l’atlantique nord à 485 miles, cap au 130 °: Saint Kilda en Ecosse. Pendant cette boucle islandaise, nous aurons succombé au charme de ses paysages inoubliables et n’oublierons jamais la gentillesse de ses habitants.
L'homme nouveau sur l'ancien volcan
Bye Bye l’Islande.
Bruno sur Poupa