08H00 le 05/07 :

Sur les dernières 24 heures, Poupa a parcouru 135 milles depuis notre départ des îles Vestmann, poussé par un vent variable faible à modéré de secteur N à NW. Cap au 130°, nous retrouvons progressivement la nuit qui nous avait quittés en Islande, les quarts sont organisés toutes les 2 heures et démarrent à 20h30. 

Le 06/07 :

Le vent est monté d’un cran, il souffle toujours du N à NW 5 à 6. Avec 1 ris dans la GV et solent, nous avalons les milles sur la route directe vers Saint-Kilda, le temps est gris voire même bouché dans la brume, aucune rencontre avec des mammifères marins, seul les fulmars nous accompagnent.
Les repas sont quelque peu rock and roll, lancé de soupe pour moi suivi d’une séance de nettoyage en pestiférant, lancé de riz et saucisses pour Bernard, il faut dire que le pilote ne nous facilite pas la tâche avec des écarts de route importants. Quant au régulateur d’allure, il est hors service depuis Isafjordur, rien à faire pour le faire fonctionner correctement. 

08h00 le 07/07 :

Encore 90 miles à parcourir, le vent mollit et le spi reprend du service. A la tombée de la nuit avec une visibilité réduite, l’île de Soay à l’extrémité ouest de l’archipel de St Kilda apparait soudainement devant l’étrave en dévoilant ses falaises noires, escarpées, hautes de 380m (les plus hautes du Royaume-Uni), les sommets noyés dans la brume. Nous sommes impressionnés par ses parois qui défilent sur tribord avant de contourner l’île principale d’Hirta et venir mouiller l’ancre dans l’unique baie à l’est. 

Le 08/07 :

Au réveil, nous sommes émerveillés par la beauté du site classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. L’île est très haute (sommet à 424m), les ruines d’un ancien village, des enclos en pierres sèches et de nombreux « cleits », séchoirs en pierres recouverts de tourbe sont éparpillés sur les versants. La chance est avec nous, le temps est calme, Poupa est en compagnie de 3 autres voiliers et de quelques bateaux à moteur. Bien que protégé des vents dominants, le mouillage reste précaire et la houle peut rapidement rentrer. 

Sans plus attendre, nous gonflons l’annexe et partons à la découverte de l’île. Aux sommets des antennes radar ont été installées par l’armée britanique, des travaux sont en cours près de la plage et un bâtiment militaire recouvert d’un toit végétalisé occupe les abords de la cale. Une sympathique guide du NTS (National Trust For Scotland) nous raconte l’histoire de cette île dont les premiers habitants remonteraient à environ 4000 ans, les derniers l’ont quittée en 1930 devant la rudesse des conditions de vie. Un musée y consacre l’histoire de cet archipel isolé dans l’Atlantique nord, 35 milles à l’ouest des Hébrides extérieures. 

Dépourvues d’arbres, les habitations de l’île étaient construites avec les matériaux présents, des murs en pierres sèches recouverts de mottes d’herbe pour absorber l’eau. Les « cleits », disséminés un peu partout servaient de séchoir pour la nourriture trouvée sur place : oiseaux de mer, œufs, viande, poissons ....Le vent qui passe à travers les cleits permettait de conserver ces aliments au lieu d’utiliser le sel ou la fumée. Nous sommes étonnés par la qualité de ces constructions en pierres sèches qui ont su résister aux temps. 

L’archipel est considéré comme l’endroit le plus venté de Grande Bretagne, la météo change très vite, nous passons de la brume au crachin en passant par un peu de soleil. Véritable sanctuaire pour les oiseaux de mer, il abrite la seconde plus grande colonie de fous de bassan au monde. Sur Hirta, une race primitive de moutons vit à l’état sauvage depuis plusieurs siècles, le mouton de Soay a l’avantage de ne pas nécessiter de tonte. 

 

10h30 le 09/07 :

Nous levons l’ancre pour l’île de Tory notre première étape irlandaise à 155 milles plein sud, la météo est bonne mais le vent reste mou, les températures remontent. 

15h00 le 10/07 :

Magnifique arrivée sur Tory en rasant la pointe NW de l’île et ses nombreux locataires, macareux, pingouins torda, guillemots, cormorans et fous. 

 

L’unique abri au sud ne présente pas de difficulté par beau temps, mais le port est petit, nous accostons à la cale, seul voilier parmi quelques bateaux de pèche et transport de passagers assurant les liaisons. 

Assez basse sur l’eau malgré un sommet à 85m, Tory est un mélange entre l’île de Sein, plate vers l’ouest avec son phare et Belle-Ile très escarpée à l’ouest avec au nord des aiguilles ressemblant à celles de Port coton. 

 Le 11/07 :

Ambiance très chaude au pub avec la finale de la coupe d’Europe de football Angleterre-Italie et visiblement tout le monde soutient l’Italie, les rancœurs du passé sont toujours présentes. L’Italie l’emporte, c’est la fête autour de quelques Guinness et de la musique irlandaise... 

10h le 12/07 :

Appareillage pour Killybegs dans la baie de Donegal, une étape de 57 milles par un vent toujours faible de W à NW. 

 

Killybegs est un important port de pêche, pas moins de 16 grands chalutiers pélagiques y sont amarrés, nous retrouvons les pontons d’un port de plaisance et les tracasseries administratives liées au covid. Malgré nos vaccinations, on nous fait comprendre que nous ne sommes pas les bienvenus, une attestation sur l’honneur garantissant l’état sanitaire du bord finit par rassurer les autorités et nous pouvons circuler. La ville est centrée sur la pêche et la transformation, les environs sont agréables, la nourriture très moyenne. Nous profitons de cette escale pour faire les pleins de gasoil et d’eau. 

09h00 le 15/07 :

Nous quittons Killybegs pour rejoindre Ballyglass, un petit port de pêche situé non loin de la pointe Erris à 60 milles dans l’WSW. Vent contre courant lève une mer courte pas très agréable pour le confort du bord ; après avoir laissé les Stags sur tribord nous accrochons une bouée sur les conseils d’un pêcheur qui en prime nous offre des maquereaux en guise d’accueil ! 

Le 16/07 :

Après une nuit tranquille, départ à 9h vers l’île la plus importante du Connemara : Inishbofin 57 milles dans le sud. Vent dans le nez, brouillard à couper au couteau, la navigation est délicate pour passer la pointe Erris, Eagle, Black Rock, et la pointe Achill. Dans ces conditions, le GPS est bien utile et nous faisons un peu de rase-cailloux pour éviter les courants. En soirée le ciel se dégage, nous arrivons à 19h sous un grand soleil dans le superbe mouillage au sud de l’île après avoir contourné les ruines d’un ancien monastère du VIIème siècle. 

Inishbofin est magnifique et nous rappelle les Glénan, il règne ici une douceur de vivre. Plages de sable blanc, baies et criques escarpées, vastes tourbières offrent un charme exceptionnel, j’en profite pour me baigner dans une eau à 14 degrés. Jolie balade vers l’ouest dans une nature sauvage et préservée où paissent de nombreuses brebis. 

Le soir petit concert celtique à la terrasse d’un pub avec des musiciens du prestigieux groupe The Chieftains. 

 

Le 18/07 :

Poupa lève l’ancre à destination de l’archipel des îles d’Aran à l’embouchure de la baie de Galway. L’anticyclone est bien ancré sur l’Irlande, très beau temps avec un vent de secteur nord 2 à 4, nous débordons la pointe de Slyne toutes voiles dehors pour viser la baie de Killeany à l’est de l’île principale Inishmor. Au nombre de trois ces îles barrent l’entrée de la baie de Galway et font partie de l’imagerie traditionnelle de l’Irlande. Enormément de touristes débarquent ici par ferries pour visiter ces îles exceptionnelles, avec ce beau temps les loueurs de vélos sont pris d’assaut. Les fameux murets de pierres sèches en calcaire sont une merveille, ils enferment de petits pâturages en dessinant un formidable patchwork. Le fort antique de Dun Eocla datant de l’âge de fer trône au centre de l’île, étrange édifice qui surprend par son état de conservation. 

10h00 le 20/07 :

25 milles à parcourir pour rejoindre Galway et préparer un changement d’équipage, Bernard va nous quitter, mon frère Philippe le remplace pour la fin du voyage. Calme plat, chaleur étouffante, nous faisons route au moteur. Arrivés 1 heure trop tard nous devons patienter à l’extérieur contre le quai et attendre minuit pour l’ouverture de la porte. Le bassin à flot est accessible 2 heures avant ou après la PM. 

Insolite et reflet de notre société de consommation, une montagne de ferraille alimentée par le ballet incessant de camions se dresse à l’entrée de la marina devant notre place de ponton ! Bientôt tout ces déchets métalliques rejoindront les côtes portugaises par cargo afin d’y être recyclés. 

Visite de la ville et du square central noir de monde. Les nombreux touristes venant y chercher un peu de fraîcheur, les températures sont inhabituelles pour la saison, 35 degrés à bord de Poupa, records de chaleur depuis 1880 en Irlande ! 

Galway est très agréable, il fait bon flâner le long des berges du Corrib, les pêcheurs tentent désespérément d’attraper les nombreux saumons qui se prélassent dans la rivière. Malgré la précision de leur lancé, aucune capture aujourd’hui, il fait trop chaud même pour les poissons ! 

La ville est festive, les musiciens animent les rues, les étudiants adorent Galway. Malgré le Covid, terrasses des pubs et restaurants sont bondées, il faut faire la queue pour obtenir le précieux breuvage : la pinte de Guinness ! Nous prenons régulièrement des douches sur le ponton pour se rafraichir. Bernard prépare activement son voyage retour en Bretagne entre 2 sudokus pendant que Rémi bouquine en gardant un œil sur les jolies nanas de Galway. Rencontre avec la navigatrice Isabelle Autissier sur son voilier Ada 2 en escale avant de poursuivre sa route vers l’Islande. 

Le 23/07 :

Aujourd’hui changement d’équipier, Bernard est parti rejoindre Dublin pour s’envoler vers Paris. Rémi et moi partons en voiture récupérer Philippe qui atterrit à Cork.

16h le 24/07 :

Nouveau départ, retour à Inishmor pour faire découvrir les paysages sauvages ainsi que les sites archéologiques à Philippe. 21h, Poupa est amarré le long du quai, nous en profitons pour aller prendre un verre au bar. 

Le 25/07 :

Avant l’arrivée des premiers touristes, nous partons à vélos jouer les explorateurs. La nature nous surprendra toujours en découvrant la piscine naturelle aux formes rectangulaires parfaites nommée Warm pool et qui n’a pas été creusée par l’homme, ou encore les pavés de pierre ressemblant à des voies romaines qui recouvrent le socle des falaises abruptes, les plus hautes d’Irlande.

A l’extrême ouest, le fort de Dun Angus en demi-lune, posé sur la falaise depuis 3 millénaires semble défier l’Atlantique nord. 

En début d’après midi, Poupa laisse dans son sillage l’archipel des îles d’Aran, met le cap au 200 ° vers Loop Head et mouille son ancre dans la petite baie de Kilbana à environ 42 milles. Mouillage paisible bien abrité des vents du nord situé à l’entrée du Shannon menant à Limerick, grand port de la côte ouest.

05h00 le 26/07 :

Profitant du courant, nous poursuivons notre route vers Dingle en laissant les fameuses îles Blasket sur tribord, et après Slea Head nous arrivons à Dingle accompagnés par de nombreux dauphins à 15h.

 

Après le gymkhana qui mène aux pontons d‘une marina bien équipée, nous partons en visite. Dingle vit surtout du tourisme, de nombreux bateaux proposent des balades en mer dans cette baie magnifique du comté de Kerry. Le temps est maussade, les accès aux pubs et restaurants sont rendus difficiles par l’épidémie, nous parvenons malgré tout à manger un Fish and chips.

09h00 le 27/07 :

Nouveau départ pour la pointe SW de l’Irlande et son mythique phare du Fastnet distant de 65 milles. Excellentes conditions de navigation au portant par un vent de N à NW de 3 à 5. Au milieu de cette nature généreuse, nous laissons les îles Skellig sur tribord puis The Bull sur bâbord impressionnant avec son phare, son importante colonie de Fous de Bassan et cette grotte qui traverse l’île de part en part en son milieu. 

 

The Cow juste à l’est de Bull surprend également vu du large avec ses nombreuses grottes traversantes et ressemble à du gruyère. 

 

Après le passage de Mizen Head, toujours au portant nous apercevons le Fastnet sur la droite et allons nous abriter à Cap Clear Island dans la pittoresque petite marina de Trawkieran située au nord de l’île.
Nous passons par un trou de souris avant de nous amarrer à couple d’autres voiliers derrière une porte d’écluse. Nous serons le dernier voilier à pouvoir rentrer dans cet abri encombré. 

 

Ambiance bien sympathique avec toutes les commodités et la gratuité du port ! Nuit au calme à bord de Poupa.
Le lendemain, belles randonnées dans ce petit paradis qui culmine à 160m, la nature est splendide, les habitants accueillants et courtois. 

Le 29/07 :

Le temps est pluvieux, une dépression bien creuse est annoncée pour la nuit prochaine et doit passer sur les îles Scilly avec des vents à 50 nds. Ce matin nous avons du manœuvrer pour laisser sortir plusieurs voiliers souhaitant profiter de l’accalmie temporaire pour naviguer. 

08h00 le 31/07 :

Finalement la dépression a été moins sévère que prévue, nous quittons Cap Clear Island vers les Iles Scilly. Auparavant, Ciaran et sa femme Marie Elen, sympathiques irlandais habitant ici et propriétaires du restaurant local sont venus nous saluer pour quitter le port. Ciaran est un armateur qui assure les liaisons maritimes entre Ballycastle et l’île de Rathlin dans le nord de l’Irlande. Seul à bord de son Bavaria 51, nous l’avions rencontré sur l’île de Tory, il nous avait alors recommandé cette escale sur son île Cap Clear qui aura été un vrai coup de cœur. 

Encore une fois, le beau temps est de la partie pour couvrir les 155 milles qui nous séparent de St Agnes dans les Scilly, poussé par un vent de secteur W - NW 3 à 5.

10h00 le 01/08 :

Nous sommes mouillés dans The Cove au sud de St Agnes en compagnie de nombreux voiliers. Il semblerait que Poupa soit le seul navire battant pavillon français dans la zone, probablement l’effet covid ! 

C’est toujours un plaisir de retrouver cet archipel. Considérée comme la plus sauvage avec vue sur Bishop Rock vers l’ouest, St Agnes ne manque pas de charme avec son phare hors service depuis 1911, sa jolie église, son camping à la ferme, son pub et son ambiance estivale. 

11h00 le 02/08 :

Dernière étape pour retrouver la Bretagne que j’ai quittée depuis déjà 3 mois. Temps magnifique, sous spi accompagnés par les dauphins, nous jouons au tarot dans le cockpit. La nuit, le vent tombe, le moteur vient épauler les voiles pour traverser les rails maritimes toujours plus encombrés ! 

 Le 03/08 :

Au petit matin le crachin breton nous accueille à partir d’Ouessant et à midi nous arrivons au port du château à « Brest même » pour clore ce périple celtique. 

Les retrouvailles avec Babeth sont chargées d’émotions, ensemble nous ramènerons tranquillement Poupa vers son port d’attache avec un dernier stop à Audierne. 

Clap de fin, Poupa revient en pleine forme, un grand merci à tous ceux qui nous ont accompagnés à travers leurs messages et surtout à mes super équipiers : Pierre, Simon, Bernard, Rémi, et Philippe qui ont rendu possible cette aventure humaine sur les traces des vikings... 

Bruno sur Poupa