A l'invitation amicale de Gérard, voici quelques impressions après cette ballade aux Açores effectuée cet été 2015, en solo sur mon feeling 9.2 GTE, du 15 juin au 19 juillet. Que le lecteur pardonne le côté presque puéril de certaines affirmations qu'une modeste expérience n'a pas encore permis de graver dans le marbre!
Bref, tout a commencé il y a deux ans lorsqu'après avoir consacré un budget important à équiper ce Feeling pour des navigations hauturières en équipage réduit, je décidais de me tester, et par la même occasion de vérifier la pertinence des choix opérés (voiles, électronique, communications, régulateur et pilote, etc.) , au cours d'une première navigation de La Rochelle aux Açores en passant par la pointe de l'Espagne (Camarinas) le Portugal (Lisbonne) l'archipel de Madère 5porto Santo et Quinta da Lorde). Les étapes, assez courtes, ont été parfaites pour gérer correctement la fatigue, le stress de cette première expérience, le sommeil, l'alimentation, et la sécurité générale du bateau et de son skipper. Et je suis arrivé sans véritable difficulté dans l'archipel où je ne suis resté que quelques jours pour en repartir vers la mi-juillet alors que l'anticyclone s'installait tranquillement et engluait l'archipel d'une bonace parfaitement anesthésiante. Parti un poil trop tardivement, j'ai du affronter plusieurs jours de calmes parfaits, et quand je dis affronter, je veux signifier par là que ça tape particulièrement sur les nerfs dès lors que les réserves de GO sont minimales et qu'il faut de la patience, de la patience et encore... Et je m'étais dit que c'était un point à bien maîtriser la prochaine fois. Car, en effet, cette première tentative de navigation hauturière avait laissé un petit goût d'inachevé: pas assez de temps consacré aux escales où les habitants, l'histoire, la culture et les superbes paysages de ces îles méritent mieux et davantage qu'un regard superficiel. Et j'avais conclu mon premier blog (effacé depuis, un peu stupidement, j'en conviens tous les jours) en affirmant que ce premier chapitre aurait une suite..
Et c'est comme ca que l'idée d'un nouveau départ a germé dans mon esprit embrumé les longs soirs d'hiver, alors qu'on se demande ce que l'on va faire de son futur immédiat. Un petit crochet biographique au passage pour indiquer que je ne suis plus en activité, que j'ai 68 ans, que mes activités de voileux ont commencé dans les années 1990, au moment où naissait le dernier de nos 5 enfants. Et si je parle des enfants, c'est simplement pour souligner qu'entreprendre un voyage en solitaire, à cet âge là, alors que quelques inévitables soucis de santé, ont déjà marqué ma modeste existence, n'est pas ans susciter une crainte voire une certaine angoisse qu'il n'est pas facile d'apaiser.
Alors je ne vais pas raconter dans le détail cette deuxième "grande" traversée (vous aurez quelques éléments dans le blog très succinct - pour cause de forfait iridium insuffisant - mentionné dans le lien en fin de texte) mais peut-être m'attarder sur ce qui m'a paru plus contraignant cette fois ci. La météo en premier lieu et la collecte des infos par iridium; les prévisions à plus de quatre jours ne sont guère fiables, donc il faut limiter la taille des fichiers demandés (20 à 30 Ko en ce qui me concerne) et renouveler plus souvent leur téléchargement; en revanche, j'ai trouvé les fichiers gribs GFS du NOAA remarquables de précision aussi bien pour la force des vents que pour leur orientation; j'avais aussi une version de Weather 4D pro sur tablette mais cela faisait trop de connexions à prévoir et les forfaits iridium, chers à cause notamment des fluctuations de la parité euro/dollars sont vite épuisés (350 unités pour l'allée retour); phénomène lié: la houle. Si elle ne pose pas trop de problème au portant, sauf peut-être le roulis, je l'ai trouvée beaucoup plus pénalisante pour la marche du bateau et fatigante pour le pauvre skip dès lors que j'étais à moins de 90° du vent apparent; suffisait d'abattre, mon pov' monsieur; un débutant sait ça!! sans doute, mais la perspective de tirer des bords au grand large m'a un peu paralysé, je le reconnais bien volontiers; et donc, j'ai subi quelques épisodes déconcertants pendant lesquels, GV à deux ris, foc de brise, VA d'environ 25 nœuds, j'avais les plus grandes difficultés à passer cette maudite houle qui d'ailleurs répondait à mes insultes en m'envoyant valdinguer plus souvent que je ne l'aurais souhaité!! Dernier point enfin dans cette rubrique: la gestion des situations à risque. En m'approchant de Horta, je devais passer entre les îles de Saint Georges à tribord et Pico à bâbord et donc embouquer le canal de Saint Georges; je m'attendais donc à un renforcement du vent mais je n'ai pas été déçu: non seulement le vent qui était portant jusque là a largement refusé, me remettant à environ 40° du VA mais il s'est considérablement renforcé alors qu'une analyse fine des gribs de la zone avant cette séquence ne mettait rien de spécial en évidence; j'ai donc pendant une petite demi heure dû affronter des rafales à 35/38 nœuds, ce que je n'avais jamais vécu jusqu'alors et cela m'a foutu une peur bleue car je me demandais bien comment me tirer de ce mauvais pas.. Toujours cette maudite houle dans l'axe de progression. La brève conclusion à chaud de cet épisode est qu'il ne faut surestimer ni les capacités du bateau ni celle de l'équipage. Un bateau de 2ème catégorie a ses limites et tous les récits qui vous relatent des navigations idylliques dans toutes les mers du monde de petits bateaux sont à prendre avec une certaine circonspection. Même si je suis bien conscient de mes propres limites.
Deuxième chapitre que je souhaite évoquer: la fiabilité des matériels. Alors que le bateau est équipé de matériels récents (de 2011), le pilote automatique (SPX5 ) a lâché: c'est la troisième fois en trois ans (moteur électrique grillé cette fois ci) Dieu merci, j'avais un régulateur d'allure qui m'a permis d'arriver à bon port, mais c'est lassant ce manque de fiabilité (il ne faut donc pas lésiner sur ce poste et surdimensionner les équipements; je hurle de rire lorsque je relis la publicité qui entoure mon pilote censé barrer" à la perfection" mon bateau à toutes les allures. Sinon le GPS/traceur m'a fait aussi quelques caprices. Aux Açores, peu ou pas de pièces détachées...et se faire livrer des pièces depuis le France, en été, relève de la gageure...
Je voudrais souligner l'efficacité du couple AIS/Merveille; le radar qui ne m'avait jamais servi la première fois était resté à quai: bien fait pour lui, gros dévoreur d'ampères!! Je n'ai eu qu'une seule fois une légère inquiétude avec un cargo entré dans mon cercle de sécurité (1 NM) et que j'ai interpellé à la VHF. reste que la proximité du trafic commercial et de pêche est stressant particulièrement la nuit lorsque les pêcheurs sont à la recherche des bancs de poissons; vous croyez que telle cible est enfin passée derrière vous, vous replongez benoitement dans le demi-sommeil et ce maudit mer-veille recommence à hurler: revoilà ce chalutier qu'on croyait définitivement largué...
Sécurité du skipper: je mériterais d'être flagellé pendant plusieurs jours, c'est sûr; alors que j'ai été prudent pendant tous les épisodes à risque: prudent c'est à dire équipé du harnais plus longe, j'ai une fois où le fatigue était sans doute plus importante que les fois précédentes et que mon jugement était sans doute altéré, commis une imprudence scandaleuse de connerie! Au portant, avec foc de brise et GV à deux ris, j'ai tardé à réagir alors que le vent montait; vers 25 nœuds, j'ai décidé d'affaler la GV mais sans aller face auvent; je remets le chariot de GV au centre, je borde à fond et me voila en équilibre instable sur le roof, sans harnais ni longe, à tirer comme un malade sur le guindant pour faire descendre la voile,; cela a fonctionné jusqu'au passage des lattes entre les lazy jacks et là, c'était une autre paire de manches car la bôme n'arrêtait pas de gigoter et bien évidement j'ai fini par perdre l'équilibre et me retrouver allongé le long de la filière...j'ai passé quelques minutes difficiles et je crois bien avoir laissé monter quelques larmes rétrospectives...c'est passé bien près!!
D'ailleurs, au moment où j'écris ces quelques lignes, j'ai de nouveau la gorge serrée à l'évocation de cet épisode et je vais arrêter là ce compte rendu en terminant par le côté le plus gratifiant de ces navigations: la contemplation de l'océan somptueux, l'émerveillement toujours renouvelé devant le ballet des puffins cendrés et autre oiseaux de mers et la cohabitation joyeuse avec les dauphins. Ce qui donne envie de recommencer..
Le retour s'est bien passé, au portant pendant 10 jours sur les 12 au total, avec un souci avec mes voiles d'avant et le détoronnage de l'étai largable qui a déchiré mon GSE mais, l'arrivée n'était plus très loin et, comme il me restait tout mon plein de GO et 3 jerrycan, j'ai rejoint mon port d'attache sans souci.
blog.mailasail.com/nacouda
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